David Dufour
Vice-Président associé – Maçonnerie Gratton
Pouvez-vous nous décrire comment votre relation avec Perspectives Jeunesse (PJ) a commencé?
En 2017 ou 2018, Louis-Philippe, le directeur général de Perspectives Jeunesse est venu nous présenter l’organisme et ses programmes pour jeunes décrocheurs ou en perte de motivation à l’école. En discutant, j’ai fait part de mon parcours personnel, de mon départ de Baie-Comeau à 16-17 ans sans avoir fini mon secondaire pour venir travailler à Montréal en maçonnerie. J’ai commencé le métier en 2000 et depuis je n’ai jamais arrêté. J’ai expliqué à Louis-Philippe qu’il avait fallu que je reprenne mes études pour terminer mon secondaire tout en continuant de travailler. Je n’avais pas le choix, je voulais devenir entrepreneur, il me fallait un secondaire 4 en français et un secondaire 5 en mathématiques. Comme je le dis aux jeunes « avoir su, je me serais débarrassé de tout ça avant ». Louis-Philippe a vu qu’avec mon parcours et nos valeurs d’entreprise équivalente à PJ, on serait une bonne place pour les jeunes. Ça pourrait être intéressant que les jeunes puissent suivre mes traces, parce que malgré tout, je suis quand même devenu entrepreneur.
Nous avons donc commencé notre partenariat entre Perspectives Jeunesse et Maçonnerie Gratton ainsi. Perspectives Jeunesse nous réfère des jeunes et on les rencontre à l’entrepôt. On a une salle de conférence, toutes nos installations sont là avec les échafaudages. Je leur explique le genre de travail qu’on fait, je leur montre des photos et ensuite je les rencontre individuellement. Je regarde qui semble avoir un intérêt et on essaye avec eux. Si je parle à un jeune et qu’il écoute de la musique en même temps, je le sais bien qu’il n’est pas intéressé. C’est comme avec Olivier*, au début c’était un jeune qui souhaitait devenir menuisier-charpentier. Finalement, quand je lui ai expliqué ce qu’on faisait et qu’il en a appris davantage sur l’équipe et la compagnie, il a dit que ça avait l’air intéressant, qu’on avait l’air d’être « une bonne gang ». Il a vu que j’étais un bon patron. On prend vraiment le temps de leur montrer et de leur apprendre les choses. On ne leur crie pas dessus, on y va à leur rythme.
Avec Olivier, engagé cette année (2021), cela fera 4 jeunes que nous aurons accueillis depuis notre partenariat avec PJ. On les fait travailler en entrepôt un petit peu, ensuite on tente d’aller leur procurer leurs cartes de compétence et de leur faire faire un stage d’été. Si tout se passe bien et qu’ils veulent rester, on les garde avec nous.
*Lire les mots de David sur son expérience avec Olivier à la fin de ce témoignage.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi votre organisation a choisi de soutenir Perspectives Jeunesse?
Avec Tommy, mon partenaire, les adolescents, ça nous touche. J’ai deux jeunes adolescents chez moi. J’ai un garçon de 13 ans et depuis deux ans j’accueille un jeune de 15 ans qui vient de France. Ça me passionne de m’impliquer auprès des jeunes. Il y en a beaucoup qui sont influencés vers de mauvaises directions, mais ça peut être de bonnes personnes. Ils n’ont pas nécessairement la chance de rencontrer des gens pour les aider à prendre la bonne direction dans la vie. C’est la raison pour laquelle c’est important pour nous de s’impliquer avec Perspectives Jeunesse et amener des adultes en devenir à faire les bons choix pour eux. Personnellement, cela me donne une satisfaction de faire autre chose que des murs de briques, de m’impliquer en société, d’aider des jeunes à s’orienter. Je suis quelqu’un qui donne naturellement. J’aime aider les gens, surtout les jeunes. Alors en tant qu’associé de Maçonnerie Gratton, de pouvoir le faire avec notre entreprise, c’est une grande satisfaction.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi votre engagement avec Perspectives Jeunesse est important pour votre organisation?
On est une entreprise quand même jeune. Les gens qui travaillent avec nous ce sont des jeunes. Je trouve ça « le fun » de partager ses connaissances, l’expertise et aussi notre passion de la restauration de maçonnerie. Ce qu’on veut c’est orienter les jeunes, qu’ils trouvent ce qu’ils veulent faire comme métier. Ce n’est pas un job pour tout le monde. J’en ai rencontré des jeunes qui n’ont aucun intérêt pour la maçonnerie, quelquefois ça prend juste la petite flamme et le petit déclic.
Avec la pénurie de main-d’œuvre, ce n’est vraiment pas facile. Grâce à Perspectives Jeunesse, on a commencé à recruter des jeunes. Puis au final, même s’ils ne finissent pas leur carrière avec nous, qu’ils vont avec un autre employeur, ce n’est pas grave. Au moins, on aura réalisé ce qu’on voulait, c’est-à-dire de motiver un jeune et de leur apprendre un métier.
Avec Perspectives Jeunesse, il y a un encadrement. Les jeunes sont accompagnés, ils ont certaines difficultés. Parfois, je fais des ateliers dans une école, dans un DEP ou à l’école des métiers de la construction pour recruter directement. Contrairement aux jeunes de PJ, ces jeunes-là ont déjà décidé de faire un DEP. Nous, ce qu’on veut c’est plutôt influencer un jeune qui est à l’école qui a de la misère à finir son secondaire pour le motiver à atteindre un objectif, et après ça au travers de notre compagnie lui permettre de faire un stage, pour qu’il puisse développer un intérêt à s’inscrire au DEP pour éventuellement travailler dans le métier. Ensuite, si ces jeunes travaillent pour nous, c’est sûr que c’est intéressant, parce qu’on recrute de nouvelles personnes. Quand on sélectionne des jeunes qui démontrent de l’intérêt et de la motivation, c’est une relève pour plus tard. Tu te rends compte que les jeunes formés sans expérience, cela finit par devenir tes meilleurs employés. Mes meilleurs « foreman » et contremaîtres ont tous commencé comme moi, adolescents vers 17-18 ans. C’est pas mal ça notre équipe.
En tant qu’acteur important dans la persévérance scolaire et sociale des jeunes, pouvez-vous nous expliquer comment, selon vous, votre organisation fait-elle une différence dans la lutte au décrochage?
Je le vois avec Olivier et même Maxime (autre jeune de PJ), je ne sais pas ce qu’on dégage avec les jeunes… il y a un attachement qui se crée.
Avec des jeunes qui ont leur DEP, ils ont déjà fait le métier, ils ont des attentes précises et quand ils arrivent avec nous parfois ils sont déçus. Quand tu sors d’un DEP ce n’est pas nécessairement ça que tu fais en sortant, tu as des étapes d’apprentissage à suivre en chantier. Alors qu’avec les jeunes de PJ, ils ont déjà fait tout cela avec nous. Quand ils font leur DEP, ils n’ont pas de déception.
Les jeunes aujourd’hui on dirait qu’ils ont moins d’intérêt envers un travail de poussière et de maçonnerie, ils ne voient pas que finalement on travaille dehors quand il fait beau et pendant l’hiver c’est plus tranquille. C’est un métier vraiment intéressant.
Avec Perspectives Jeunesse, on réussit à former de la relève et en même temps ça aide les jeunes à leur donner une direction dans la vie. Il arrive que des jeunes ne sachent pas vraiment ce qu’ils veulent faire malgré les cours d’orientation. C’est important d’aller à l’école et d’au moins terminer son secondaire. C’est ce que j’explique aux jeunes. Même si tu ne le fais pas là, il va falloir que tu le fasses un jour ou l’autre. En ce moment, c’est ça « ta job », c’est d’aller à l’école et d’être chez tes parents. Après, tu travailleras. Avec ce discours, en leur partageant mon parcours, ça leur permet d’être motivés de finir ce qu’il leur reste à faire à l’école et de s’orienter par la suite. Il y en a qui ont plus de misère à l’école, pour qui c’est plus difficile que d’autres, mais lorsqu’on rencontre les jeunes, on leur montre que dans la vie si tu travailles fort, si tu fournis des efforts et que tu es passionné par ce que tu fais, tu vas toujours trouver une façon de réussir avec des objectifs. C’est aussi leur montrer qu’il ne faut pas se décourager.
Un dernier mot pour d’autres entreprises qui souhaiteraient suivre vos pas, être un partenaire employeur et donateur de Perspectives Jeunesse?
Pour les entrepreneurs, surtout avec la pénurie de main-d’œuvre, j’aimerais leur dire d’arrêter d’aller chercher des listes fournies par les syndicats pour recruter. Ils devraient s’intéresser et voir de quelle manière ils pourraient eux aussi intégrer des jeunes qui ont des difficultés à l’école et des problèmes d’apprentissage, etc. Tu fais une bonne action, même si au final le ou la jeune fait juste un stage, ça va l’aider pour la suite, pour son avenir. Vous l’aurez aidé à prendre une direction.
J’en parle régulièrement avec mon entourage, ma famille. Mon beau-frère, qui est pompier, a lui aussi offert un stage à des jeunes de Perspectives Jeunesse. J’en parle naturellement et positivement autour de moi. Parrainer Perspectives Jeunesse, c’est encourager un jeune à persévérer. N’importe quel adulte peut avoir un impact sur un jeune.
Regard sur votre expérience avec l’un des jeunes que vous avez accueilli dans votre équipe, Olivier :
Olivier a fini son secondaire 5. Il voulait au départ être menuisier. Il n’avait pas pensé à la maçonnerie. Je lui ai dit que si jamais il voulait avoir une formation et lui donner le goût d’aimer la maçonnerie avec nous je le ferais. Si par contre il me dit qu’il aimerait quand même être menuisier et passer l’été avec nous en stage, pas de problème. On allait le prendre et le payer quand même.
Il a travaillé avec mon cousin Michael et moi, parce que nous avons le plus d’expérience. Moi, ça fait 21 ans que je suis maçon, et Mike ça fait à peu près 19 ans. Je me suis dit qu’en le jumelant avec Michael, il apprendrait les bonnes techniques et comment travailler de façon sécuritaire. C’est la personne avec qui tu veux apprendre. C’est pour ça que je l’ai mis avec lui. Olivier a réalisé qu’il aimait vraiment le métier de maçon. Chez Maçonnerie Gratton, on fait tout le temps du patrimonial, des hautes façades avec des dessins, des œuvres architecturales. Nous ne faisons pas juste du neuf, poser sur de grands murs. Olivier apprend tous les aspects de la maçonnerie comparativement aux compagnies de constructions neuves qui font toujours faire la même chose. Finalement, Olivier a décidé de faire un DEP en maçonnerie, et je pense qu’il aime beaucoup l’entreprise et l’équipe. Notre entreprise n’est pas une grosse compagnie avec plein de gens. Nous avons 10 petites équipes de 4 à 5 gars. Ces petites équipes, ça devient des petits noyaux proches et familiaux.
Dans l’équipe de Michael, le noyau dont Olivier fait partie, ils sont toujours ensemble. Même si les chantiers changent, c’est toujours la même équipe. Les chantiers durent à peu près une à deux semaines dépendamment de la grosseur des travaux. Parfois, ça peut prendre un mois, pas plus que ça. Ainsi on peut voir rapidement le résultat de leur travail. C’est très motivant, de voir ce à quoi on a participé et de se rendre compte qu’on a fait du bon travail. Après, ils recommencent un autre chantier avec des situations différentes. Je pense qu’Olivier aime bien ça pour ces raisons-là.
Découvrez le témoignage d’Olivier à la page Jeunes.